Projet Starlink : un risque accru de débris spatiaux
Publié le - par le blob, l’extra-média, avec l’AFP
L’Internet de l’espace arrive : le fondateur de SpaceX, Elon Musk, a tweeté cette semaine grâce à une liaison fournie par les premiers satellites de sa constellation Starlink, qui pourrait un jour atteindre théoriquement… 42 000 minisatellites, pour couvrir le globe.
La perspective d’ajouter des dizaines de milliers de satellites aux 2 000 actuellement actifs autour de la Terre souligne le relatif vide juridique régissant l’espace, un sujet abondamment discuté cette semaine à Washington, au 70e Congrès international d’astronautique.
Les traités spatiaux ont été rédigés à une époque où l’espace était le domaine de quelques puissances spatiales qui envoyaient de gros satellites civils et militaires, alors qu’aujourd’hui n’importe quelle université digne de son nom lance des microsatellites. Une vingtaine de milliers d’objets sont aujourd’hui suffisamment gros pour être catalogués : des étages supérieurs de fusées, des satellites hors service, des milliers de débris, et une minorité de satellites actifs. Un satellite hors service à 1 000 kilomètres d’altitude finira par retomber dans l’atmosphère, mais seulement après 1 000 ans. Pendant tout ce temps, cet objet, qui file à une vitesse de l’ordre de 30 000 km/h, risque d’entrer en collision avec un satellite et de le tuer.
Aujourd’hui, la probabilité d’un accident reste faible. Christophe Bonnal, qui préside le comité de la Fédération internationale d’astronautique (IAF) sur les débris, estime qu’il y a seulement 15 objets de la taille du poing au-dessus de la France à tout instant : « L’espace est infiniment vide, cela n’a rien à voir avec la pollution maritime », dit-il.
Le patron de l’agence spatiale française et président sortant de l’IAF, Jean-Yves Le Gall, relativise : « Il n’y a pratiquement pas d’exemples de satellites qui aient eu un problème à cause des débris. Mais cela commence à devenir urgent du fait des projets de constellations […]. SpaceX ne fait rien qui contrevienne à des règles. Le problème est qu’il n’y a pas de règles. Il y a des aiguilleurs du ciel pour les avions, on va arriver à un système identique ».
60 ans d’histoire spatiale
« L’idéal serait d’avoir une loi internationale, mais cela prendrait des décennies », admet Jan Wörner, le chef de l’agence spatiale européenne. Seule la France a inscrit dans sa loi l’obligation de désorbiter en 25 ans tout satellite en orbite basse. La Nasa et d’autres ont adopté la règle pour leurs propres satellites, mais sans aspect contraignant légalement.
Les agences et l’industrie placent donc leurs espoirs dans des règles de bonne conduite, volontaires, définissant espacement entre constellations, procédures de coordination, échanges de données… Des codes, standards et textes sont nés depuis les années 1990, notamment sous l’égide de l’Onu. L’une des dernières chartes a été produite par la Space Safety Coalition. 34 acteurs, dont Airbus, Intelsat ou le projet de constellation OneWeb, l’ont signée à ce jour. Le problème de ces chartes est qu’il suffirait qu’une grande constellation ne les respecte pas pour tout gâcher. « C’est le problème très classique des pollueurs, dit Carissa Christensen, patronne du cabinet Bryce Space and Technology. C’est typique des sujets qui présentent des défis à long terme ».
Des agences voudraient aussi commencer à nettoyer les orbites, encombrées des déchets de 60 ans d’histoire spatiale. Trois gros étages de fusées américaines se sont mystérieusement « fragmentés » l’année passée, dit Christophe Bonnal ; cela a créé 1 800 débris. Il suffirait, selon lui, de retirer quelques gros objets par an, par exemple les étages soviétiques Zenit, de neuf tonnes et neuf mètres de longueur, qui passent à 200 mètres les uns des autres chaque mois. Une collision entre deux d’entre eux doublerait le nombre d’objets en orbite…
Mais personne ne sait aujourd’hui retirer de si gros débris spatiaux. À court terme, il faudra se contenter d’un éventuel manuel de bonne conduite. En espérant que SpaceX, si tant est que sa constellation se concrétise, garde le contrôle de ses satellites. Sur les 60 premiers, trois ne répondaient plus un mois après, soit 5 %.