Les pollinisateurs nocturnes malmenés eux aussi par la pollution atmosphérique
Publié le - par Le blob.fr, avec l'AFP
La pollinisation de plantes dépendant d’insectes nocturnes, comme les papillons de nuit, est menacée par la pollution atmosphérique, selon une étude publiée jeudi dans la revue Science.
Un polluant présent dans l’air particulièrement la nuit réduit drastiquement la capacité de ces pollinisateurs à traquer les odeurs florales, révèle cette étude d’une équipe de l’Université de Washington, aux États-Unis. Leur conclusion s’inscrit dans les travaux récents sur les effets négatifs pour la biodiversité de la pollution, pas seulement atmosphérique, mais aussi sonore et lumineuse, induite par les activités humaines.
Ces dernières nuisent à notre santé, mais « également au fonctionnement de l’écosystème à travers ces plantes et pollinisateurs », dit Jeff Riffell, professeur de biologie et un des co-auteurs de l’étude. Alors que des études ont déjà pointé le rôle des polluants atmosphériques sur les pollinisateurs diurnes comme les abeilles, cette étude se penche sur les effets du radical nitrate (NO3), polluant présent essentiellement la nuit, sur l’odeur des fleurs.
Le radical nitrate se forme quand le dioxyde d’azote, issu de la combustion d’énergies fossiles par l’homme ou de combustions naturelles telles que les feux de forêt, entre en contact avec l’ozone dans l’atmosphère. Contrairement au dioxyde d’azote ou à l’ozone, le radical nitrate a pour particularité d’être rapidement dégradé par la lumière du soleil, et est donc surtout présent la nuit.
L’étude s’est penchée sur l’onagre pâle, une fleur sauvage présente dans les régions arides de l’Ouest américain, et dont la forte odeur attire deux espèces de papillons de nuit, le Sphinx orangé (Hyles lineata) et le Sphinx du tabac (Manduca sexta). Ces deux insectes utilisent leurs antennes pour renifler le pollen à plusieurs kilomètres de distance.
« Avancer contre le vent »
Dans un premier temps, les scientifiques ont décortiqué le cocktail chimique composant le parfum de l’onagre pâle. Après avoir exposé chacune des molécules chimiques aux papillons, ils ont déterminé les composants à l’origine de leur attirance. Ils ont ensuite évalué qu’au contact du radical nitrate, les niveaux de ces composants chimiques chutaient drastiquement. Enfin l’équipe a exposé, dans une sorte de couloir de vent, les papillons de nuit à différents niveaux de ce mélange chimique préalablement disposé sur une fausse fleur. « Nous avons vu que les papillons de nuit étaient très sensibles à l’odeur de la fleur et étaient prêts à avancer contre le vent pour tenter de se nourrir de cette fleur artificielle », explique Jeff Riffell. « Mais si nous ajoutions du NO3 (radical nitrate), tout d’un coup cela empêchait l’une des espèces de papillon de reconnaître la fleur. Et pour l’autre espèce, cela réduisait de 50 % son attraction à la fleur ».
Les niveaux de radical nitrate testés étaient comparables à ceux mesurés la nuit dans un environnement urbain typique, comme celui de Seattle (nord-ouest). L’équipe a ensuite reproduit l’expérience en utilisant cette fois les niveaux de polluant mesurés en journée et a constaté un effet beaucoup moins important sur les papillons de nuit.
L’étude met ainsi en lumière l’effet négatif de cette pollution atmosphérique sur l’activité pollinisatrice nocturne, à un moment où les insectes pollinisateurs sont en danger à travers le monde. Environ trois quarts des plus de 240 000 espèces de plantes à fleurs dépendent de pollinisateurs, et plus de 70 espèces de pollinisateurs sont en danger ou menacés, pointe le professeur Riffel.
Son équipe a évalué, grâce à des simulations informatiques, qu’une grande partie de l’Europe, du Moyen-Orient, de l’Asie centrale et du Sud, ainsi que le sud de l’Afrique, étaient les régions susceptibles d’être les plus touchées par ce phénomène. Sachant que « l’activité humaine engendre davantage de NO3 partout », « nous voulions comprendre comment les deux sources de production de NO3 — naturelle et humaine — se combinent et à quels endroits ces niveaux pourraient atteindre un niveau si élevé qu’il interférerait avec la capacité des pollinisateurs à trouver les fleurs », assure Joel Thornton, professeur de Sciences atmosphériques et co-auteur de l’étude.