La mission européenne ExoMars relancée avec un décollage possible en 2028
Publié le - par LeBlob.fr, avec l’AFP
Elle pourrait s’appeler Perseverance, du nom du rover martien américain : un an après le coup d’arrêt que lui a porté l’invasion de l’Ukraine, la mission européenne ExoMars place ses espoirs dans un lancement en 2028 vers la planète rouge, en quête de vie extra-terrestre.
En mars 2022, le rover européen Rosalind Franklin d’ExoMars était prêt à être expédié vers le cosmodrome de Baïkonour, pour un décollage en septembre à l’aide d’une fusée russe avant de se poser sur le sol martien grâce à un atterrisseur, russe également. Mais la guerre en Ukraine venait d’éclater et en application des sanctions imposées à la Russie par ses 22 États membres, l’Agence spatiale européenne (ESA) suspendait la mission.
Une très mauvaise nouvelle pour des centaines de scientifiques investis depuis 20 ans dans ce projet crucial. Un choc d’autant plus rude qu’ExoMars revenait de loin. Lancée en 2003, la mission s’est rapidement avérée trop coûteuse pour l’Europe qui n’a encore jamais posé de robot sur Mars. L’ESA se tourne alors vers les États-Unis, qui acceptent une contribution… avant que la Nasa, contrainte à des coupes budgétaires, ne fasse machine arrière en 2012.
Un partenaire inattendu entre alors en scène : l’Agence spatiale russe Roscosmos. Malgré son concours, en 2016, la mission subit un revers technique majeur avec le crash de l’atterrisseur de démonstration Schiaparelli, reportant le lancement d’ExoMars à 2020.
La pandémie de Covid-19 inflige deux nouvelles années de retard à la mission, avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Fin 2022, le conseil ministériel de l’ESA décide toutefois de poursuivre la mission ExoMars avec une rallonge de 500 millions d’euros sur trois ans, une somme a minima pour maintenir le programme en vie. « L’un des arguments clés pour convaincre était de dire que c’est une œuvre scientifique européenne unique, du même niveau d’ambition que le télescope spatial James Webb », expliquait fin janvier David Parker, directeur de l’exploration humaine et robotique de l’ESA.
Le scénario consiste à construire un atterrisseur européen pour un décollage en 2028. Une date à laquelle certains ne croient pas L’ESA doit d’abord récupérer ses équipements (ordinateur de bord, radar altimétrique…) à l’intérieur de l’atterrisseur russe « Kazatchok », toujours coincé sur son lieu d’assemblage à Turin, en Italie.
Seuls les Russes en ont le mode d’emploi et de difficiles négociations sont en cours pour qu’ils viennent le démanteler. « On les attendait à la mi-janvier, ils ne sont pas venus.... On leur a demandé que tout soit fait pour la fin mars », a précisé à l’AFP Thierry Blancquaert, responsable du programme ExoMars de l’ESA.
La nouvelle mission dépendra du soutien de la Nasa, prête à fournir son aide depuis l’invasion de l’Ukraine. Pour son atterrisseur, l’ESA espère en effet bénéficier des moteurs américains qui ont permis de poser les rovers Curiosity et Perseverance. Elle aura aussi besoin d’un lanceur américain adapté au transport des matériaux radioactifs pour maintenir au chaud le Rosalind Franklin.
La Nasa n’a pas encore voté le budget nécessaire, mais « on prépare ensemble les travaux de collaboration et les choses avancent bien », s’est félicité Thierry Blancquaert lors de la projection d’un documentaire sur la mission, diffusé sur National Geographic. Les discussions s’avèrent même plus fluides que par le passé. « Ce nouvel élan dans la coopération est lié au fait que cette fois, les États-Unis ont un projet commun avec l’Europe, Mars Sample Return », analyse le planétologue François Forget, chercheur au CNRS.
Ce programme de retour d’échantillons martiens sur Terre, prévu vers 2030, analysera les récoltes de Perseverance comme d’ExoMars, rendant les deux missions complémentaires. « ExoMars n’est pas juste un rover de plus, c’est actuellement la seule mission à pouvoir détecter des traces de vie passée », plaide David Parker.
Le robot est équipé d’une unique foreuse pouvant creuser jusqu’à deux mètres en sous-sol, où de potentielles traces d’anciens organismes seraient mieux conservées qu’en surface, là où travaille Perseverance. Le site d’atterrissage choisi est en outre plus ancien que les terres déjà explorées. Sa géologie se rapproche davantage de la période où les conditions ont pu être propices à l’apparition de la vie.
« On pense qu’il y a eu énormément d’eau à cet endroit. C’est une autre planète Mars à explorer, donc même dans dix ans la mission ne sera pas obsolète », selon François Forget.