La Lune, alliée de chasse de la dame blanche
Publié le - par Le blob, l'extra-média
Prêtez-vous à l’exercice suivant. Demandez à des amis, collègues ou parents, si selon eux, une chouette effraie de couleur blanche chasse mieux les nuits de pleine Lune. Il est probable qu’on vous réponde que la clarté lunaire, les rendant plus visibles, complique leur chasse. Et « voilà ce qui est remarquable : le résultat que nous obtenons dans notre étude est totalement contre-intuitif », explique Alexandre Roulin, professeur au département d’écologie et d’évolution à l’université de Lausanne.
Aussi appelée effraie des clochers ou dame blanche, Tyto alba possède un plumage allant du blanc au roux foncé, en passant par toutes les teintes intermédiaires. Ce rapace nocturne est très cosmopolite : présent sur presque tous les continents, il s’adapte aux contraintes géographiques locales. « Dans le sud de l’Europe, le plumage blanc est plus courant, alors que dans le Nord-Est, on trouve davantage de chouettes rousses », commente Alexandre Roulin, l’un des auteurs de l’étude parue dans Nature Ecology & Evolution. Avec une teneur supérieure en mélatonine, le plumage roux, en effet, protègerait mieux contre contre le froid.
Tableaux de chasse selon la Lune
Pendant 20 ans, l’équipe d’Alexandre Roulin a observé le comportement des chouettes effraie sauvages grâce à des traqueurs GPS placés sur leur dos des mâles. Ces données lui ont permis de comparer leurs tableaux de chasse en fonction des cycles lunaires. Une nuit de pleine Lune, les chouettes blanches – pourtant plus visibles que leur consœurs au plumage roux – chassent mieux leur proie, les campagnols.
Pensez aux phares de votre voiture, la nuit : leur lumière aveuglante paralyse certains animaux, notamment les rongeurs. Il en serait de même avec la blancheur de la chouette effraie, supposent les chercheurs. De fait, par ciel couvert, ces prédateurs se révèlent des chasseurs moins efficaces. Alexandre Roulin émet donc l’hypothèse que « les nuages bloquent une partie de la lumière de la Lune, qui serait autrement réfléchie sur son plumage blanc ».
Pour confirmer cette piste, retour au laboratoire. Les chercheurs ont appliqué sur le plumage d’une chouette blanche empaillée un produit destiné à réduire sa capacité à réfléchir la lumière. Ils ont ensuite placé un campagnol dans une cage et chronométré son temps d’immobilisation face à la créature. Sans surprise, le rongeur est resté moins longtemps immobile que face à une chouette réelle, étant ainsi plus difficile à capturer.
La couleur blanche de la chouette effraie lui confère donc un avantage incontestable pour la chasse, même si elle la prive d’un camouflage nécessaire en plein jour. Un bénéfice qui l’emporte probablement sur l’inconvénient du point de vue de l’évolution, puisque les chouettes effraie blanches « sont globalement plus nombreuses au niveau mondial », précise Alexandre Roulin.