La Catalogne face à l’une des pires sécheresses depuis un demi-siècle
Publié le - par LeBlob.fr, avec l’AFP
Depuis plusieurs mois, Maria Gonzalez stocke de l’eau pour faire face aux rationnements dans son petit village de Catalogne, région du nord-est de l’Espagne qui fait face à sa pire sécheresse depuis des décennies. Chaque nuit entre 22 heures et 7 heures, l’eau est coupée à L’Espluga de Francoli, commune de 3600 âmes située à une centaine de kilomètres à l’ouest de Barcelone, qui doit être alimentée en eau par un camion-citerne.
Si les problèmes d’approvisionnement sont structurels depuis des années dans ce village, en raison de l’état des nappes phréatiques, la sécheresse actuelle les a aggravés. « Il y a un effet évident du changement climatique (...) qui a évolué très rapidement depuis deux ou trois ans », se désole Xavier Rosell, conseiller municipal en charge de l’environnement.
Alors, les habitants sont contraints de s’adapter. « Nous stockons de l’eau dans des bouteilles pour nous laver le visage et les dents le matin », explique Maria Gonzalez, aide-soignante de 24 ans. « Et le soir, nous nous douchons au travail ou à la salle de sports » avant de rentrer, « ou nous chauffons de l’eau dans des casseroles comme autrefois », ajoute-t-elle, résignée.
Ailleurs dans la région, peuplée de 7,7 millions d’habitants, l’eau du robinet n’a pas été touchée jusqu’ici par les coupures pour les particuliers. Mais il est interdit aux habitants des zones les plus peuplées d’arroser leurs jardins, tandis que l’agriculture et l’industrie ont dû réduire leur utilisation d’eau. « C’est l’une des pires sécheresses des 50 dernières années », a insisté la semaine dernière le président régional Pere Aragonès, un indépendantiste modéré.
Faute de précipitations, les réservoirs - qui stockent l’eau de pluie afin de pouvoir l’utiliser lors des mois plus secs - sont à seulement 26 % de leur capacité dans la région, selon les autorités locales. La province de la métropole barcelonaise est la zone la plus affectée par cet état de sécheresse qui dure depuis 32 mois.
Symbole de ce manque d’eau, le réservoir de Sau (à quelque 90 km de Barcelone), dont la baisse du niveau a fait réapparaître l’église du village engloutie lors de la construction de cette retenue dans les années 1960, n’est plus qu’à 6,6 % de sa capacité. Afin de sauver l’eau restante, les autorités l’ont transvasée dans un réservoir proche et ont sorti plus de deux tonnes de poissons afin d’empêcher que leur mort, due à un manque d’oxygène, ne contamine l’eau.
Si la Catalogne est, avec l’Andalousie, l’une des deux régions les plus affectées par la sécheresse actuelle, « nous sommes dans un moment difficile sur le plan hydrologique » dans l’ensemble de l’Espagne, a insisté mardi le ministre de l’agriculture, Luis Planas, qui a convoqué pour mercredi une table-ronde sur la sécheresse. « Les sécheresses provoquées par le changement climatique s’intensifient » en Espagne, la hausse des températures provoquant une plus forte évaporation de l’eau, explique Narcis Prat, professeur d’écologie à l’université de Barcelone.
Selon l’agence météorologique espagnole (Aemet), le volume de précipitations enregistrées depuis le mois d’octobre a été inférieur de 21 % au niveau habituel pour cette période.
Comme en Catalogne, les réservoirs d’Andalousie sont au plus bas, ceux du bassin du fleuve Guadalquivir étant à 25,2 % de leur capacité, selon des chiffres publiés mardi par le ministère de la transition écologique. En moyenne dans le pays, les réservoirs sont à 50,7 % de leur capacité.
« La région méditerranéenne est dans une situation très inquiétante et doit donc s’adapter à d’autres façons de gérer l’eau », estime Narcis Prat, en passant d’un modèle basé sur les réservoirs, qui dépendent des précipitations, à un autre dépendant « d’autres ressources comme les unités de désalinisation » ou « la réutilisation » des eaux usées pour l’irrigation. Un modèle vers lequel veut évoluer la Catalogne, qui a accéléré ces derniers mois les investissements pour créer de nouvelles unités de désalinisation ou des stations d’épuration.