L’eau tritiée de Fukushima sera rejetée dans l’océan
Publié le - par LeBlob.fr avec l’AFP
Le gouvernement japonais a officialisé mardi sa décision d’évacuer dans l’océan plus d’un million de tonnes d’eau, traitée mais toujours radioactive, de la centrale nucléaire dévastée de Fukushima Daiichi, une opération qui pourrait s’étaler sur plusieurs décennies. Bien que les autorités et des experts scientifiques assurent que cette dilution dans le Pacifique sera sans risque pour la santé humaine et l’environnement, ce projet est très contesté par des ONG et des pêcheurs locaux. Pékin et Séoul ont aussi exprimé leurs inquiétudes.
Quelque 1,25 million de tonnes d’eau sont actuellement stockées dans plus d’un millier de citernes près de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi (nord-est du Japon), dévastée par le séisme et tsunami du 11 mars 2011. Cette eau provient de la pluie, de nappes souterraines ou des injections nécessaires pour refroidir les cœurs des réacteurs nucléaires entrés en fusion après le tsunami. Elle est traitée via un dispositif appelé ALPS, pour être débarrassée de la plupart de ses substances radioactives (radionucléides), mais pas du tritium, lequel ne peut être éliminé avec les techniques actuellement disponibles.
Le tritium n’est dangereux pour la santé qu’à très fortes doses, selon les experts. Il se désintègre à 50 % au bout de 12 ans environ (une à deux semaines dans le corps humain), en émettant des rayonnements bêta de faible énergie.
Les capacités de stockage sur place devant arriver à saturation au second semestre 2022, une prise de décision urgente sur l’eau « tritiée » était requise. En janvier 2020, un groupe d’experts mandatés par le gouvernement avait préconisé une dilution progressive dans l’océan, plutôt que la solution alternative d’une évaporation dans l’air. Le rejet en mer d’eau tritiée est « déjà pratiqué au Japon et à l’étranger » depuis des centrales en activité, et donc « plus faisable », avaient estimé ces experts. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a aussi estimé que cette solution était « en adéquation » avec des pratiques « bien établies » dans le monde entier.
Le porte-parole du gouvernement japonais, Katsunobu Kato, a assuré mardi que la dilution en mer, qui sera supervisée par l’AIEA dans souci de transparence, réduirait les niveaux de tritium bien en-deçà des normes nationales et des standards de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour l’eau potable.
Des organisations environnementales comme Greenpeace relèvent que l’eau de Fukushima contient d’autres éléments radioactifs comme du carbone 14, risquant selon elles d’intégrer la chaîne alimentaire et endommager l’ADN en cas de doses accumulées sur le long terme. Ces ONG préconisaient un stockage durable, le temps que les technologies de filtration de l’eau soient suffisamment améliorées.
Les pêcheurs japonais redoutent quant à eux un préjudice d’image : « Le message du gouvernement selon lequel l’eau sera sans danger ne touche pas le public, c’est le gros problème », selon un responsable de l’Association des syndicats de pêcheurs de Fukushima interrogé par l’AFP il y a quelques mois. « Nos partenaires commerciaux nous disent qu’ils vont cesser de vendre nos produits » si le rejet en mer a lieu, et certains consommateurs se plaignent déjà, avait-il ajouté. « Nos efforts pour restaurer l’industrie de la pêche durant la dernière décennie seraient anéantis ».
Depuis la catastrophe de 2011, tous les produits agricoles du Japon, y compris ceux de la mer, subissent des contrôles sanitaires parmi les plus exigeants au monde. Des normes de radioactivité deux fois plus sévères qu’au niveau national sont par ailleurs appliquées pour les aliments provenant du département de Fukushima, pour rassurer les consommateurs.
Pour Michiaki Kai, expert des risques des radiations de l’université des sciences de la santé d’Oita (sud-ouest du Japon), la clé sera de contrôler la dilution et le volume de l’eau tritiée rejetée en mer. « Il y a un consensus parmi les scientifiques sur le fait que l’impact sur la santé (d’un rejet en mer de l’eau tritiée, ndlr) est minuscule », mais « on ne peut pas dire qu’il y a zéro risque, d’où le fait que ce soit controversé », a-t-il déclaré à l’AFP.
Geraldine Thomas, experte en radiations de l’Imperial College de Londres, estime que le tritium « ne pose pas du tout de risque pour la santé, d’autant qu’il faut tenir compte de sa dilution dans l’océan Pacifique ». Le carbone 14 dans l’eau de Fukushima serait également sans danger, selon elle. Des polluants chimiques dans les océans, comme le mercure, devraient bien plus inquiéter les consommateurs plutôt que « tout ce qui provient de la centrale de Fukushima ».