Des pollinisateurs moins nombreux et moins actifs en Europe
Publié le - par Barbara Vignaux
Les insectes pollinisateurs volent de manière moins synchronisée et durant moins longtemps qu’il n’y a soixante ans. C’est le principal résultat d’une vaste étude menée sur les changements de période de vol entre 1960 et 2016 dans 20 pays européens, chez plus de 2000 espèces de pollinisateurs parmi les quatre grands ordres : hyménoptères (abeilles…), diptères (mouches…), lépidoptères (papillons) et coléoptères (scarabées…).
Pour parvenir à ce résultat, l’équipe européenne de chercheurs a utilisé la plus grande base de données d’insectes pollinisateurs jamais constituée à ce jour, issue de plusieurs sources, dont les collections du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN).
Désynchronisation relative
S’agissant des pollinisateurs, les périodes de vol correspondent aux périodes d’activité, au stade adulte des insectes. Or, rapporte un des auteurs de l’étude, le doctorant François Duchenne (Muséum national d’histoire naturelle) : « En 1960, on dénombrait en France, début juillet, mille pollinisateurs actifs en même temps, contre 900 espèces seulement aujourd’hui ».
En outre, en Europe,le pic d’activité – la présence simultanée du plus grand nombre d’insectes pollinisateurs – est désormais atteint six jours plus tôt, au mois de juillet, qu’il y a 60 ans. En France, ce décalage dans le temps atteint même dix jours : 3 ou 4 juillet, contre mi-juillet auparavant.
Par ailleurs, si certaines espèces sont actives longtemps et d’autres peu de temps – dix jours par exemple pour certains papillons à la vie adulte très éphémère – la durée moyenne d’activité des pollinisateurs a reculé de deux jours en soixante ans. Autrement dit, certaines espèces de pollinisateurs se trouvent dorénavant « séparées » au cours de la saison et donc plus en interaction, ce qui peut réduire l’efficacité de la pollinisation.
Floraison et pollinisation
Dans le cadre d’études antérieures, des chercheurs avaient établi que la période de floraison intervenait plus tôt dans la saison : « On craignait par conséquent un décalage entre floraison des plantes et activité des pollinisateurs, explique François Duchenne. C’est un des points positifs de l’étude : les pollinisateurs sont actifs plus tôt ».
Mais l’équipe s’est également intéressée aux conséquences « moins évidentes et moins visibles » de ce décalage dans le temps. Il en ressort que « la manière dont les pollinisateurs s’organisent au cours de la saison a changé et que cela pourrait avoir deux conséquences : une diversité réduite à certains moments de la saison et surtout une plus grande sensibilité des communautés d’insectes à l’extinction de certains pollinisateurs, faute d’espèces suffisantes pour compenser », poursuit le doctorant.
Cette vulnérabilité accrue s’ajoute aux autres phénomènes décrits par ailleurs : baisse du nombre de pollinisateurs – abeilles notamment –, effets des pesticides, destruction des habitats naturels etc. Elle revêt une grande importance étant donné le rôle joué par le changement climatique, décrit par François Duchenne comme « catalyseur des autres effets ». Et de préciser : « Une de nos grandes craintes est qu’il déstructure les communautés de pollinisateurs et aggrave ainsi le déclin des insectes, notamment des abeilles ».