Covid-19, frein – provisoire du moins – aux émissions polluantes
Publié le - par le blob avec l’AFP
Avions cloués au sol, événements annulés, usines arrêtées : le coronavirus pèse sur l’économie mondiale, avec comme corollaire une chute des émissions de gaz à effet de serre en Chine et ailleurs. Mais cette bonne nouvelle pour l’environnement ne pourrait être que temporaire.
Le géant asiatique, premier émetteur mondial de gaz à effet de serre, a vu ses émissions s’effondrer d’au moins un quart entre le 3 février et le 1er mars comparé à 2019, selon une estimation de l’organisme Centre for Research on Energy and Clean Air (CREA).
Les congés du Nouvel an lunaire – le 25 janvier – marquent habituellement une baisse des émissions, suivie d’un rebond. Mais cette année, dans un pays mis sous cloche, avec des usines au ralenti ou à l’arrêt, la consommation des centrales à charbon qui alimentent les industries peine à repartir.
La situation fait tâche d’huile dans d’autres régions du monde. L’aviation, qui représente environ 2 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO2) et dont le trafic est en plein essor, connaît une baisse de trafic marquée. À tel point que le secteur parle d’une situation « presque sans précédent » depuis la crise financière de 2008-2009.
Une bonne nouvelle pour la planète, à l’heure où les pays peinent à réduire leurs émissions de CO2 ? L’urgence climatique exige une baisse drastique – de 45 % d’ici 2030 par rapport à 2010 selon les experts de l’Onu, le Giec – pour limiter les effets dévastateurs qui menacent des millions de vies humaines et les écosystèmes naturels.
Pour le chercheur Joeri Rogelj, qui contribue aux travaux du Giec, il ne faut pas crier victoire trop vite. « Les réductions d’émissions liées au coronavirus ne sont pas structurelles. Elles vont disparaître dès que le transport de biens et de personnes sera rétabli après l’épidémie », prévoit-il.
La Banque centrale américaine (Fed) a déjà réduit ses taux en urgence pour stimuler l’économie, une première depuis la crise de 2008. Les pays du G7, les économies les plus riches du monde, sont prêts à prendre des mesures budgétaires. Pékin a un vaste plan de soutien pour les petites et moyennes entreprises, avec des facilités de crédit.
En 2008/09, la crise financière avait été suivie « d’un fort rebond des émissions de CO2 à cause des mesures de relance des gouvernements », rappelle Glen Peters, climatologue au centre de recherche Cicero, sur Twitter. « Il n’y a pas la place en 2020 pour de telles “mesures” qui appartiennent aux années 1990 », critique Li Shuo, porte-parole de Greenpeace Chine, à l’AFP.
Le danger est que la crise sanitaire détourne « l’attention du changement climatique et d’autres problèmes à long terme, alors que l’urgence climatique nécessite une attention sur plusieurs décennies », estime Michael Oppenheimer, de l’université de Princeton.
« La seule solution est d’obtenir un engagement ferme à agir » de la part de pays clés, estime-t-il. La dernière conférence de l’Onu pour le climat, la COP25, qui s’est tenue à Madrid en décembre, n’est pas allée dans ce sens. Reste à voir à quelle point la nouvelle épidémie va gêner les préparatifs de la COP26 à Glasgow en novembre.
Elle a déjà un impact sur la conférence de l’Onu pour la biodiversité prévue en octobre en Chine, la COP15. Des négociations préparatoires ont dû être déplacées en février à Rome et la Chine « a été empêchée par cette crise de jouer un rôle de présidence active », constate Sébastien Treyer, directeur général de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI).
Pour Amy Myers Jaffe, du groupe de réflexion américain Council on Foreign Relations, il y aura des enseignements positifs à tirer de cette crise sur le long terme, en particulier concernant les « changements d’habitude » et les réductions d’émissions de CO2 qu’elles peuvent entraîner. « 80 % des biens sont transportés dans le monde par bateau (...). Si les chaînes de production sont réduites après le coronavirus, certains avantages en terme de réduction d’émissions pourraient rester » estime-t-elle.
Cette crise est aussi l’occasion pour les entreprises de multiplier le télétravail et les téléconférences. Ceci permettra peut-être de « faire sauter le verrou culturel » qui empêche des employés de recourir à ces technologies, ajoute Amy Myers Jaffe.