Brevets : accord à l’ONU sur un traité pour lutter contre la biopiraterie
Publié le - par LeBlob.fr, avec l’AFP
Plus de 190 pays membres de l’ONU se sont mis d’accord vendredi sur un traité « historique » en matière de brevets visant à lutter contre la biopiraterie et le pillage des ressources génétiques, concluant plus de 20 ans de négociations. Ils « ont approuvé un nouveau traité novateur relatif à la propriété intellectuelle, aux ressources génétiques et aux savoirs traditionnels associés, marquant ainsi une avancée historique qui vient couronner des décennies de négociations », a annoncé l’ONU dans un communiqué.
Les pays membres de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (Ompi) étaient réunis depuis le 13 mai à Genève pour conclure ces négociations. « Nous attendions ce moment depuis 25 ans », a déclaré le président des négociations, l’ambassadeur brésilien Guilherme de Aguiar Patriota, qui a donné le coup de marteau pour marquer l’approbation par consensus du nouveau traité de l’Ompi.
Il s’agit du premier traité de l’Ompi sur la propriété intellectuelle, les ressources génétiques et les savoirs traditionnels, mais aussi du premier traité de l’Ompi incluant des dispositions spécifiques pour les peuples indigènes et les communautés locales. « Nous montrons ainsi que le système de propriété intellectuelle peut continuer à encourager l’innovation tout en évoluant de manière plus inclusive, en répondant aux besoins de tous les pays et de leurs communautés », a indiqué le directeur général de l’Ompi, Daren Tang.
Chaque pays peut désormais décider s’il ratifie ou pas le traité. Il entrera en vigueur une fois que 15 pays l’auront ratifié.
Le traité stipule que les déposants de brevets sont obligés de divulguer les origines des ressources génétiques et des savoirs traditionnels utilisés dans une invention. Il établit également des sanctions, dont la définition a été la principale source de discorde. Certains pays en développement voulaient pouvoir facilement révoquer des brevets, tandis que les pays riches faisaient valoir que des sanctions trop lourdes nuiraient à l’innovation.
L’accord déclare que les pays doivent, avant d’appliquer des sanctions, donner la possibilité à un déposant de brevet de « rectifier » sa demande s’il a manqué à ses obligations en matière d’exigence de divulgation. Par ailleurs, aucune partie ne peut « révoquer » ou « invalider » un brevet au seul motif que le déposant n’a pas communiqué les informations nécessaires.
Toutefois, un pays pourra mettre en œuvre « des sanctions ou des mesures correctives postérieures à la délivrance » du brevet en cas « d’intention frauduleuse », selon sa législation nationale.
L’objectif du traité est de lutter contre la biopiraterie en s’assurant qu’une invention est bien nouvelle et que les pays et communautés locales concernés ont donné leur accord sur l’utilisation de leurs ressources génétiques, telles que des espèces végétales, et de leurs savoirs traditionnels. Cette transparence doit renforcer la mise en œuvre du Protocole de Nagoya qui prévoit que les personnes fournissant des ressources génétiques ou des connaissances traditionnelles bénéficient d’avantages — monétaires ou pas — découlant de leur utilisation.
« Je n’irais pas jusqu’à dire que (le traité) est révolutionnaire », a indiqué à l’AFP Antony Scott Taubman, qui a créé en 2001 la division sur les savoirs traditionnels à l’Ompi. Mais il permet de reconnaître qu’une demande de brevets suppose que les demandeurs ont des « responsabilités » et que « ce n’est pas une procédure purement technique », a-t-il dit.
Les ressources génétiques - micro-organismes, espèces animales et végétales, séquences génétiques... - sont de plus en plus utilisées dans des inventions, par exemple pour les semences et médicaments, qui ont permis des progrès considérables en matière de santé, de climat et de sécurité alimentaire, selon l’ONU. Mais les pays en développement sont inquiets quant au fait que des brevets sont accordés sans que les peuples autochtones en soient informés ou pour des inventions qui n’en sont pas réellement car elles reposent sur des savoirs traditionnels.
Plus d’une trentaine de pays disposent déjà d’exigences nationales de divulgation. Il s’agit pour la plupart de pays en développement, dont la Chine, le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud, mais aussi des pays européens, comme la France, l’Allemagne et la Suisse. Mais les exigences varient selon les pays, et ne sont pas toujours contraignantes.