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Une fresque murale représentant un engin spatial sur un immeuble de Baïkonour, le 6 décembre 2021 au Kazakhstan © AFP Kirill Kudryavtsev

Bustes et statues des héros du cosmos, immeubles décorés de fresques représentant des engins spatiaux, répliques de fusées : dans les rues enneigées de Baïkonour, une ville kazakhe proche d’un célèbre cosmodrome russe, l’espace est partout. « Tout ça, les gens l’ont fait de leurs propres mains, de nombreuses générations ont beaucoup travaillé », dit avec fierté à l’AFP Malik Moutaliev, 67 ans, ancien architecte en chef de cette cité de 76000 habitants perdue dans les steppes du Kazakhstan, le plus grand pays d’Asie centrale.

Mais la ville de Baïkonour, dont le terrain est loué par Moscou, comme le cosmodrome situé à une trentaine de kilomètres, est menacée de déclin et cherche un avenir qui pourrait bien passer par le tourisme spatial, en plein renouveau. Fondée en 1955 sur les bords du fleuve Syr-Daria, la localité de Baïkonour se composait au départ de simples baraquements hébergeant les travailleurs qui, dans le plus grand secret, construisaient la base de lancement.

C’est depuis ce cosmodrome que l’URSS a accompli ses grands exploits dans la course à l’espace : l’envoi du premier satellite Spoutnik (1957), du premier cosmonaute Iouri Gagarine (1961) et de la première cosmonaute Valentina Terechkova (1963).

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Une fusée Soyouz érigée en monument dans la ville de Baïkonour, le 7 décembre 2021 au Kazakhstan © AFP Kirill Kudryavtsev

Dans les années qui suivent, la cité de Baïkonour, nommée alors Leninsk, connaît son âge d’or. Des milliers d’employés du programme spatial, considérés comme l’élite scientifique de l’URSS, s’y installent avec leurs familles dans des immeubles en béton typiquement soviétiques. « Il y avait énormément de gens diplômés », se souvient Oksana Slivina, une enseignante de 57 ans qui s’est installée à Baïkonour il y a trente ans quand son père, militaire, y a été muté.

Longtemps, la ville, glaciale en hiver et étouffante en été, a été un site ultra-sécurisé fermé aux étrangers. Aujourd’hui encore, une autorisation spéciale est nécessaire pour y entrer.

Avec la dislocation de l’URSS en 1991, Baïkonour se retrouve soudainement au Kazakhstan. La cité connaît une période noire : des milliers d’habitants rentrent en Russie, tandis que le secteur spatial russe subit de graves difficultés budgétaires.

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Une fusée Soyouz érigée en monument dans la ville de Baïkonour, le 7 décembre 2021 au Kazakhstan © AFP Kirill Kudryavtsev

« Notre but était de ne pas laisser la ville tomber en morceaux et de la préserver pour qu’elle se développe plus tard. Je pense que nous avons réussi », note l’ancien architecte Malik Moutaliev. Baïkonour et son cosmodrome sont loués au Kazakhstan à prix d’or via un contrat qui court jusqu’en 2050. La ville et son économie profitent encore de lancements réguliers opérés par l’Agence spatiale russe Roscosmos. 

Moscou a toutefois inauguré en 2016 son propre cosmodrome en Extrême-Orient, nommé Vostotchny et censé remplacer à terme Baïkonour, même si son développement souffre d’importants retards liés à la corruption endémique du secteur spatial russe.

L’envoi mercredi de deux touristes japonais dans l’espace par Roscomos depuis Baïkonour, qui marque le retour de Moscou dans ce secteur lucratif après 12 ans d’absence, suscite néanmoins des espoirs dans la cité. 

« Notre ville est littéralement devenue une ville dormante. On ne produit rien, on est une ville subventionnée, on ne vit que grâce au cosmos. Le tourisme nous donnerait un grand coup de fouet », estime Malik Moutaliev. Oksana Slivina juge, elle, qu’il serait dommage de ne pas profiter du statut iconique de « la ville de son cœur » pour y attirer plus de visiteurs. 

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Une statue de Lénine dans une rue de Baïkonour, le 6 décembre 2021 au Kazakhstan © AFP Kirill Kudryavtsev

« Il faut bien sûr investir ici beaucoup d’argent pour (…) avoir autre chose à montrer que des rampes de lancement », affirme l’enseignante. 

En attendant, la commune de Baïkonour, située loin de tout, peine à garder ses jeunes. « Beaucoup partent. Généralement, les parents restent parce qu’ils sont bien payés, mais leurs enfants partent en Russie ou ailleurs », raconte Géorgui Iline, un étudiant de 21 ans qui espère lui aussi s’en aller.

Malgré tout, Malik Moutaliev reste confiant. « Notre ville a survécu à beaucoup de choses : la Perestroïka, la dislocation de l’Union soviétique, les pénuries d’électricité, énumère-t-il. On a tout surmonté. »