L’Autriche défend la dinde, grande oubliée du bien-être animal
Publié le - par LeBlob.fr, avec l’AFP
Katharina et Reinhard Bauer déambulent en combinaison bleue parmi leurs milliers de dindonneaux choyés, dans des conditions optimales que l’Autriche, soucieuse du bien-être animal, aimerait étendre au reste de l’Europe. « Chez nous, les oiseaux disposent de beaucoup de place », explique l’agricultrice qui gère avec son mari une exploitation biologique dans le petit village de Weibern, situé en Haute-Autriche (nord). L’élevage des dindonneaux, fragiles les premiers jours de leur vie, « très sensibles, curieux et affectueux », selon Reinhard Bauer, est délicat.
Avant d’orner les tables du réveillon, ils doivent bénéficier d’un environnement particulièrement attentionné se rapprochant du milieu naturel, insiste le couple. Plus largement, l’Autriche, pionnière de l’agriculture raisonnée, aimerait profiter des fêtes, aux cours desquelles on consomme traditionnellement la dinde, pour attirer l’attention de Bruxelles sur son triste sort.
« L’organisation World Animal Protection » a classé le pays en première position en matière de bien-être animal, dans une comparaison avec « 50 pays du monde entier », souligne la ministre conservatrice de l’Agriculture Elisabeth Köstinger.
En Europe depuis le 16e siècle
Après le poulet et le porc, le gallinacé ramené d’Amérique au 16e siècle par des colons espagnols est le troisième animal d’élevage le plus répandu dans l’Union européenne : chaque année, on en abat 190 millions. Et pourtant, alors que poules et cochons ont eu leurs directives, il n’existe toujours pas de réglementation européenne pour encadrer l’élevage du Bourbon rouge, du Noir de Norfolk ou du Bleu de Suède. `
Contrairement à ce qui est pratiqué chez les gros producteurs allemands, polonais ou hongrois, les 120 élevages de dinde d’Autriche ont su garder une taille limitée. Familiales, ces exploitations soumises à des inspections régulières n’engraissent en moyenne que 6000 volailles. Avec deux mâles adultes par mètre carré, leur densité est la plus faible d’Europe.
Même dans les exploitations aux standards les moins exigeants, les dindons peuvent se déplacer librement. Ils sont élevés au sol, à la lumière du jour, sur une litière de paille ou de copeaux de bois. En qualité intermédiaire, ils disposent de jardins d’hiver, tandis qu’en biologique – 42 % du marché – ils sont tous élevés en plein air.
Législation généreuse
Une lutte contre la souffrance animale… qui a un coût : en rayons, la barquette de dinde made in Austria s’affiche en moyenne à 14 euros, contre 8 euros pour la viande importée. Résultat, la part de marché des Autrichiens ne représente plus que 40 % de la consommation nationale. « Il faudrait que notre législation généreuse soit étendue à tout le continent », souligne Katharina Bauer en couvant des yeux ses protégés au pépiement incessant.
Du coup, c’est toute l’Autriche qui monte actuellement au front pour aider le parent pauvre des basses-cours. L’été dernier, une grande chaîne de supermarché a décidé de ne plus mettre en rayon que de la viande de volaille née, élevée et abattue à l’intérieur des frontières. Elle a adopté un prix unique pour la poitrine de dinde, vendue à 10 euros pièce, sans baisser la rémunération des producteurs.
En novembre, la députée européenne écologiste Sarah Wiener a lancé une pétition, soutenue par le gouvernement, pour que l’Europe encadre enfin le secteur. Et s’aligne sur les pratiques autrichiennes, évidemment.
Priorité absolue
Qu’elle parvienne à convaincre ou pas, la coalition entre les conservateurs et les Verts au pouvoir veut aller de l’avant. Elle va prendre en charge jusqu’à 35 % des investissements des élevages de dinde désireux de monter en gamme, pour augmenter encore la part du bio dans la production.
« C’est la priorité absolue de nos exploitants », affirme le représentant de la Chambre d’agriculture, Georg Strasser, pour qui l’enjeu de santé publique dépasse le simple bonheur des dindons. Grâce à l’amélioration continue des conditions d’élevage, l’utilisation d’antibiotiques sur ces volailles a été réduite de 55 % entre 2011 et 2017 en Autriche.
Les choses vont dans le bon sens, selon l’association de protection animale Vier Pfoten. « Garantir un prix d’achat équitable aux producteurs respectueux des animaux est la clé du changement », résume sa directrice Eva Rosenberg.
Elle ne serait pas contredite par Katharina et Reinhard Bauer, qui viennent de moderniser entièrement leurs installations afin d’améliorer encore et toujours le confort de leurs pensionnaires poids plume.