Au pied des sommets d'Asie centrale, les villes étouffent dans le smog
Publié le - par le blob, l’extra-média, avec l’AFP
Les pics enneigés culminant à 5000 mètres se détachent à peine dans un brouillard brunâtre. A Almaty, au Kazakhstan, comme Bichkek, au Kirghizstan, le smog étrangle des villes pourtant situées en pleine nature. La capitale kirghize compte tout juste 900 000 habitants tandis que la principale ville du Kazakhstan en a 1,7 million. Et ni l’une ni l’autre ne dispose d’une industrie d’envergure. La qualité de l’air mesurée sur place y est cependant régulièrement aussi mauvaise, notamment en hiver, que dans des mégalopoles comme New Delhi en Inde ou Lahore au Pakistan. Le niveau de particules fines PM2,5 (d’un diamètre inférieur à 2,5 µm) atteint régulièrement des seuils jugés dangereux pour la santé humaine. En deux décennies, la dégradation de la qualité de l’air à Bichkek et Almaty, deux villes situées dans des cuvettes au pied des montagnes géantes du Tian Shan, a été massive, selon les habitants et les militants.
Si les centrales à charbon vétustes, bâties à l’époque soviétique, sont en partie responsables du problème, des facteurs bien plus récents ont aggravé le phénomène. A Almaty, où les gratte-ciels construits grâce à la manne pétrolière disparaissent dans un smog jaunâtre, un facteur clé a été la croissance exponentielle du nombre de voitures depuis la chute de l’URSS. Or ce parc automobile reste largement composé de modèles vieillissants et donc polluants. Le manque d’empressement des pouvoirs publics à agir a fait de la thématique un sujet récurrent sur les réseaux sociaux. Ce mois-ci, une pétition en ligne à Almaty appelant les autorités à l’action a recueilli 17 000 signatures le jour même de son lancement. La mairie y a répondu de manière laconique, disant chercher des moyens pour moderniser la centrale électrique de la cité — responsable de 25 % des émissions — tout en précisant qu’aucune décision ne sera prise avant la fin 2020 et refusant tout audit indépendant de cette infrastructure.
Au Kirghizstan, les autorités tablent sur l’extension des gazoducs du géant russe Gazprom jusqu’à la région de Bichkek pour pouvoir réduire la consommation de charbon dans les quartiers où l’on se chauffe presque exclusivement à l’aide de chaudières individuelles. Mais faute d’aide public, le coût peut s’avérer prohibitif. Koundouz Adylbekova, une militante écologiste qui vit dans l’un de ces quartiers excentrés de Bichkek où la pollution est particulièrement visible, raconte ainsi que sa famille a dû payer 500 dollars pour être reliée à l’infrastructure gazière en novembre, soit plus de deux fois le salaire moyen mensuel. Par conséquent, la majorité des résidents se chauffent au charbon même quand l’alternative gazière existe, répandant encore un peu plus de cette fumée sombre et étouffante dans le ciel kirghiz. Seule mesure des autorités : des raids dans les quartiers défavorisés, généralement pour punir l’utilisation de combustibles illégaux comme les tissus ou les huiles. Les amendes peuvent dépasser 100 dollars, pesant sur les plus pauvres sans qu’on ne leur apporte d’alternative abordable, note Koundouz Adylbekova.