« L’archéologie galactique » exhume un « courant » d’étoiles des premiers âges
Publié le - par LeBlob.fr, avec l’AFP
L’observation d’un groupe singulier d’étoiles en périphérie de la Voie lactée a révélé les restes d’un amas stellaire remontant aux premiers âges de l’Univers dont l’existence même était exclue par la théorie, selon les auteurs d’une étude parue mercredi dernier dans la revue Nature. « Pour faire de l’archéologie galactique, il faut comprendre ce que notre galaxie a absorbé au cours du temps, connaître ses fondations », explique à l’AFP Nicolas Martin, astrophysicien à l’Observatoire astronomique de Strasbourg. Et pour cela, regarder très loin dans l’espace et donc dans le temps, comme le fait le télescope spatial Hubble et le fera bientôt James Webb. Ou bien alors trouver l’équivalent de « fossiles » plus proches de nous.
La vingtaine d’étoiles identifiées par l’équipe internationale menée par Nicolas Martin est de cet ordre. « Elles sont parmi les toutes premières à s’être formées dans l’Univers » il y a « plus de 12 milliards d’années, peut-être même plus de 13 », soit quelques centaines de millions d’années après le Big-bang. Elles s’étendent en forme de « courant » (baptisé C19), un lambeau d’étoiles issu d’un amas stellaire « qui est passé trop près de notre galaxie et qu’elle a déchiré ». Ce lambeau s’étend aujourd’hui sur des milliers d’années lumière, sous la forme d’un appendice au disque de la Voie lactée.
Les astronomes ont repéré ces étoiles grâce à leur très faible métallicité, une mesure de la proportion d’éléments chimiques plus lourds que l’hydrogène et l’hélium contenus dans les étoiles. Selon la théorie de formation des étoiles, les premières avaient pour seul carburant l’hydrogène et l’hélium.
« Au fur et à mesure que les générations successives d’étoiles se forment, elles créent dans leur cœur des éléments chimiques plus lourds », explique le scientifique, auteur principal de l’étude. À la mort de l’astre, ces éléments enrichissent le gaz stellaire, qui verra naître d’autres étoiles, enrichies à leur tour en éléments lourds.
Notre soleil, un jeune astre de 4,6 milliards d’années, en est un bon exemple. Il contient un peu plus de 1,5 % de ces éléments lourds (carbone, oxygène et fer principalement). Le groupe d’étoiles analysé par Nicolas Martin et ses collègues en contient proportionnellement 2500 fois moins… Or « les modèles actuels de formation des étoiles ne semblent pas fonctionner à des métallicités aussi faibles » pour la création d’amas stellaires tels que celui découvert par l’équipe de scientifiques.
Autrement dit, la théorie doit maintenant rattraper l’observation. A ce jour, un seul autre amas d’étoiles, avec une métallicité bien plus forte que C19 mais sous le seuil théorique, a été découvert dans la galaxie d’Andromède.
Pour identifier C19, les astronomes ont fouillé les données du satellite Gaïa, qui a cartographié à ce jour plus d’un milliard et demi d’étoiles de la galaxie. Ils ont ensuite combiné les courants d’étoiles identifiés à un programme, Pristine, qui utilise le télescope Canada-France-Hawaï pour mesurer la métallicité des astres. L’effort est devenu international, avec une série d’observations pour affiner leurs mesures à l’aide des grands télescopes Gemini Nord à Hawaï et du GTC aux Canaries.
L’équipe va maintenant suivre deux pistes en se penchant sur d’autres courants stellaires déjà repérés et en affinant les mesures d’analyse chimique de C19. Avec en ligne de mire la mise en service du futur Télescope Extrêmement Grand (ELT) européen (d’ici cinq ans). Si les étoiles de C19 n’appartiennent pas à la toute première génération apparue dans l’Univers, elles pourraient « avoir été formées à partir de gaz contaminé par les toutes premières ».