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L’apicultrice Lynne Ingram dans son exploitation de Wesley Cottage, dans sud-ouest de l’Angleterre © AFP Justin Tallis

Apicultrice depuis plus de 40 ans, Lynne Ingram évolue sans crainte au milieu de ses ruches bourdonnantes dans le sud-ouest de l’Angleterre. Pour elle, le danger ne vient pas de ses abeilles, mais d’une fraude au miel de plus en plus sophistiquée.

L’adultération du miel, avec des sirops, des fécules ou des cendres, est une pratique ancienne bien connue pour réduire les coûts de production. Mais, relève Lynne Ingram, les avancées de la biotechnologie l’ont simplifiée avec des sirops spécialement conçus pour tromper les contrôles.

Pour alerter contre la fraude et mettre en valeur le miel naturel, l’apicultrice a fondé en 2021 un réseau de professionnels, UK Honey Authencity Network (HAN UK). Le miel modifié se vend bien moins cher que son équivalent naturel. « Partout dans le monde, des apiculteurs perdent leur activité », dénonce-t-elle, interrogée par l’AFP au milieu de ses ruches dans le verdoyant Somerset. « J’aimerais que le problème soit reconnu ».

Importations suspectes

Pour rendre le marché plus transparent, les eurodéputés ont rendu obligatoire au printemps la mention sur les étiquettes des pays où le miel a été récolté et introduisant un système de traçabilité. Mais au Royaume-Uni, l’étiquetage est loin d’être aussi contraignant et Lynne Ingram estime que les consommateurs sont « induits en erreur » par des informations vagues.

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Les chercheurs Raghavan Chinnambedu Murugesan et Steven Daniels analysent du miel dans leur laboratoire de Birmingham le 17 juillet 2024 © AFP Ben Stansall

L’Union européenne répond ainsi à une hausse massive des importations de miels frelatés via l’ajout de sucres. Selon une enquête de la Commission publiée en mars 2023, environ 46% des échantillons importés récemment contrôlés étaient fortement suspectés de déroger à ces règles, notamment via l’ajout de sirops de sucre destiné à faire chuter le coût de production.

Quelque 74% des miels originaires de Chine étaient jugés suspects, comme la quasi-totalité des miels importés de Turquie et la totalité de ceux venus du Royaume-Uni, où ils étaient assemblés à partir de diverses origines avant d’être réexportés. Mais ces miels importés au Royaume-Uni et mélangés ne sont pas tous renvoyés à l’étranger, une grande partie étant destinée au marché local. « Nous estimons qu’il y en a énormément dans les rayons des magasins », s’inquiète Lynne Ingram, pour qui des miels frelatés sont « largement disponibles » dans les supermarchés britanniques.

Lasers

Face au phénomène, la résistance s’organise à l’aide des dernières technologies dans le laboratoire de l’Aston University à Birmingham, dans le centre de l’Angleterre.

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Des échantillons de miel analysées à l’université d’Ashton à Birmigham le 17 juin 2024 © AFP Ben Stansall

Les scientifiques utilisent des lasers pour étudier des échantillons à l’échelle de la molécule, une technique connue sous le nom de spectroscopie de fluorescence. Les fréquences lumineuses ré-émises par le miel sont compilées dans une image tridimensionnelle - ou « empreinte moléculaire », qui permet d’identifier les substances biochimiques présentes.

Dans le laboratoire plongé dans l’obscurité, les miels ainsi étudiés émettent des lumières de couleurs reflétant leur différence de composition : vert vif pour l’un, bleu froid pour l’autre. A l’aide de cette technologie, l’équipe de chercheurs « peut immédiatement identifier une concentration de produits frauduleux dans des échantillons » avec « des bandes spectrales différentes pour du sirop ou du miel naturel », explique Alex Rozhin, professeur en nanotechnologies et chef du projet. Selon le scientifique, cette technique est plus efficace que les tests existants et permet d’obtenir les résultats bien plus vite, à un coût bien moindre sans besoin de personnel très qualifié.

L’un des objectifs de l’équipe d’Aston University est de créer une version utilisable par les apiculteurs ou même les consommateurs, avec des équipements plus simples voire un smartphone.

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L’apicultrice Lynne Ingram dans son exploitation du sud-ouest de l’Angleterre le 16 juillet 2024 © AFP Justin Tallis

De tels contrôles permettraient aussi d’accélérer la création d’une base de données des différents miels, pouvant servir, à l’aide de l’intelligence artificielle, de catalogue des signatures biométriques. « Si nous recevons un nouvel échantillon qui a été modifié et qui est différent de ce qui se trouve dans la base de données, nous verrons que quelque chose ne va pas », souligne Steven Daniels, chercheur à l’Aston University spécialiste de l’apprentissage automatique.

L’apicultrice Lynne Ingram se félicite qu’un tel test puisse compenser les différences de règles de transparence entre les marchés. Mais elle appelle aussi le gouvernement à se saisir du fléau de la fraude : « Il faut vraiment s’attaquer au problème ».